Peau-de-Souris

Peau-de-Souris s'enfuit dans la nuit,
Dame Souris trotte dans son ennui.

Printemps

C’est une douce matinée de printemps. Mademoiselle Minouchette est heureuse. Son carreau est entrouvert et un petit vent frais-sucré vient lui chatouiller la moustache.
Elle range l’hiver dans son placard et sort enfin ses tenues légères, les toutes premières.
Assurément, ce printemps elle serait la plus belle, et trouverait un prince charmant.
C’est une douce matinée de printemps. Mademoiselle Minouchette est gaie, le printemps frappe à son carreau.
Mademoiselle Minouchette est joyeuse, dans la cuisine il fait grand jour quand siffle la bouilloire.
Mademoiselle Minouchette est coquette, elle sourit à sa toilette et songe quand elle s’apprête.
Dehors un petit vent fleuri lui frise la moustache.

Les Sept jours de Dame Souris

Ce lundi Dame Souris ferme son volet, et ses oreilles aux mauvaises gens.
C'est qu'il fait grand vent à l'automne, et les médisances se ramassent à la pelle.
L'hiver rabougrit, les gens deviennent tout petits, ça se cogne à l'intérieur.
Dame Souris n'a pas envie des gifles de la bise. Elle s'en retourne à son édredon !

Le mardi sous sa couette Dame Souris suit du doigt les tracés du fil brodé.
Ça fait des creux et des vallées. Ça fait des plis, des pleins et des déliés. Elle se dit que c'est l'écriture de ses rêves et que c'est joli. Elle se dit qu'une vie rêvée, c'est une vie aussi.
Elle rentre sa moustache. Elle entend qu'on souffle dehors. Elle n'a pas peur des sorcières et ne craint pas les fantômes, non, elle se méfie des gens creux et vides et amers, de ceux qui pourrissent et ne le savent pas, de ceux qui bavent et se trompent d'ordinaire.

Le mercredi Dame Souris sort un œil de sa cachette. Un œil puis un pied. Elle foule de son pas léger le mouton du tapis. C'est doux, et ça fait du bien à ses pensées. Elle sait bien que demain, ou un jour prochain, elle tirera le loquet et ira nez au vent affronter frimas et brimades, cueillir surtout les premiers sourires de saison. Ce sont ceux dont elle fait les meilleures confitures.

A propos de confitures, Dame Souris trottine de son pas menu jusqu'à l'étagère. Elle est en bois, elle est robuste et ne ploie pas sous le poids des années. Elle a déjà vécu mille ans, et en vivra encore tout autant. C'est une belle étagère à pots comme on en trouve dans les cuisines des initiées. Il y a là la confiture du dernier fou-rire de la saison dernière. C'est jeudi et c'est exactement ce qu'il faut pour requinquer une humeur doucereuse passagère.

C'est vendredi, c'est jour de pluie. Dame Souris sourit. Elle aime la pluie qui bat les champs, les émotions qui cognent au carreau, les alluvions en tourbillon. Les petites tempêtes qui nettoient la tête. Elle avance son fauteuil près de la fenêtre et compte les gouttes, écoute leurs contes...

Près de sa fenêtre endormie, Dame Souris n'entend pas arriver le samedi. Il se fait tout petit, il se fait tout gris. Il avance sur ses pattes de velours...
"Tiens, le petit jour !"*
Dame Souris scrute l'horizon et ausculte son envie. S'est-elle rétablie ?

C'est dimanche, Dame Souris fait son lit. Elle plume sa couette légère, elle époussette l'étagère. Elle referme le pot et replace le fauteuil. Elle boutonne sa redingote, enfile son col et vérifie son parapluie. Nul trou, nul accroc, elle sera à l'abri des baves de crapauds. Aujourd'hui Dame Souris ira jusqu'à la petite barrière, à côté de la clairière. Et peut-être plus loin...

Mademoiselle Trotte-Menu

*
 Lundi soir, Mademoiselle Trotte-Menu a du bleu dans sa tasse à miroirs.
Le temps ne tourne pas rond mais ne se cogne pas aux angles non plus. C'est un drôle de temps hésitant et souffreteux, mais pas vraiment. Un temps qui voudrait se rendre intéressant.



**
Mardi soir Mademoiselle Trotte-Menu regarde d'un œil interrogateur ce drôle de temps qu'elle se trimballe au-dessus de la tête. Elle aimerait qu'il se décide : les grosses gouttes ou le soleil chatouilleur. Elle est fatiguée d'attendre une humeur qui se terre, une humeur timide qui ne se sent pas le droit d'être là.
Mademoiselle Trotte-Menu voudrait bien l'apprivoiser, la rassurer :
"Tu sais Bleue, tu es belle aussi, et tu as le droit d'être là, tout près de moi. Tu sais Bleue, tu peux me prendre dans tes bras. Tu sais Bleue, on aurait peut-être le droit d'être fragile à deux."
Oui, mais Bleue ne sort pas. Elle reste cachée dans son nuage.
Et Mademoiselle Trotte-Menu continue de traîner ce drôle de nuage bleu rosé accroché à un fil au bout de la queue.

***
Mercredi soir, Mademoiselle Trotte-Menu a l'humeur en carafe, comme une araignée recroquevillée. Elle la regarde, elle l'étudie, elle lui compte les pattes. Mademoiselle Trotte-Menu est dubitative. On dirait qu'il en manque une.
Elle retourne le flacon, lui tapote le fond. L'humeur tombe -poum- sur la table, et file claudiquante, confuse et honteuse, se réfugier derrière la grosse fesse de la théière.
Ainsi donc Mademoiselle Trotte-Menu a l'humeur boitillante.
Il faudrait qu’elle l’attrape et qu’elle puisse la panser.
Mademoiselle Trotte-Menu reste pensive. Elle est perplexe. Son humeur n’a pas l’air décidé, et elle a peur de la brusquer.


****
Jeudi soir, Mademoiselle Trotte-Menu a l'envie vagabonde. Assise sur sa balançoire, elle l'écoute rouler de gauche à droite, indécise. Titillante. Enervante. Excédante.
Mademoiselle Trotte-Menu a les idées papillons et les désirs étincelles. Tout file, rien ne se pose. Elle a l'humeur hors d'haleine.
Mademoiselle Trotte-Menu a le cafard en rogne et la colère en boule. Elle rentre.


*****
Vendredi soir, Mademoiselle Trotte-Menu se met en boule sous son édredon. Elle gonfle ses plumes et fait le dindon. En attendant de faire la roue et le paon.
Son duvet de plumes pèse des tonnes. Mais s’il était plus léger elle aurait froid.
Mademoiselle Trotte-Menu se sent phare hébété dans la nuit. Elle garde les yeux ouverts en grand sur rien. Elle pense qu’il faudrait lui remonter la mécanique. Elle attend son horloger.